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Visite au Clos Thou à Jurançon

Passer par Pau sans s’arrêter à Jurançon eût été dommage ! D’autant que je n’étais pas encore passé au Clos Thou avec qui nous travaillons depuis un peu plus d’un an et qui connaît un très joli succès à la cave.

Le temps n’est pas franchement au beau fixe, pas de chance, petite fenêtre de pluie au milieu de dix jours de grand ciel bleu à 25°C en plein mois de février. Ces températures extrêmement douces inquiètent d’ailleurs ici où l’on craint de voir la vigne débourrer très tôt et être ainsi particulièrement sensible à un gel un peu tardif, la chose n’étant pas rare dans cette région à plus de 300m d’altitude.

Arriver au Domaine n’est pas une simple promenade de santé : routes très étroites, pentues en diable, avec des épingles à cheveux à gogo ! L’Alpe d’Huez et consort peuvent aller se rhabiller : le vrai défi pour un cycliste, ce serait les petites routes de Jurançon !

Mais le paysage nous récompense amplement, malgré le temps maussade. Des petites parcelles de vignes à flanc de coteaux qui plongent dans les vallées, quelques vignes en terrasses et surtout, pas d’impression de monoculture avec une intégration au sein de la forêt pas si fréquente en France.

Nous sommes accueillis par Mme Lapouble-Laplace qui tient le domaine avec son mari depuis les années 1990, succédant à trois générations de vignerons dans la famille. Le Domaine est travaillé en bio depuis 2007 avec une certification en 2010. Mais de nombreux essais avaient déjà été effectués tout au long des années 2000.

Au programme donc : enherbement hivernal et léger travail des sols en été, en s’adaptant à la météo de l’année. Un semis couvert est également apporté afin d’assurer un apport en azote.

Les différentes parcelles sont travaillées selon leurs caractéristiques, certaines, comme la Cerisaie, au potentiel de maturité plus élevé, donnant même lieu à une cuvée spéciale.

L’essentiel du travail se fait de toute façon à la vigne, le Domaine assurant des vinifications sans correction : levures indigènes, pas de chaptalisation, pas de correction des moûts, etc. La vendange doit donc être la plus saine possible.

Ce n’est pas le cas toutes les années, 2019 ayant été par exemple très compliquée : après un mois de septembre et début octobre idéaux, la pluie est arrivée, faisant gonfler les baies et baisser les degré des petits mansengs. Pas franchement l’idéal pour la production de grands liquoreux. pas de cuvée Suprême de Thou ni de Cerisaie sur ce millésime. Mais l’assurance d’avoir de très beaux secs (vendangés début octobre) et de superbes gros mansengs sur la cuvée Julie.

La dégustation confirme de qui était déjà connu : les vins du Clos Thou sont d’un rapport qualité/prix imbattable, toujours dans un style très classique et accessible.

La cuvée Guilhouret en sec, la cuvée Julie et Suprême en moelleux sont très bien installés à la cave et on comprend pourquoi : des équilibres impressionnants, un fruité éclatant et énormément de pureté. Très belle découverte de la cuvée Cerisaie, leur grand liquoreux parcellaire sorti exclusivement les grandes années : une concentration et une fraîcheur bluffantes, un potentiel de gardé énorme, que du plaisir !

Et surtout, une superbe dégustation de vieux millésimes avec du 2003, du 1999 et du 1997 sur Suprême de Thou, parfaitement conservés et même à leur apogée. Peut-être quelques bouteilles bientôt à la cave ? Ce sera en fonction de leurs disponibilités !

Nous avons enfin beaucoup échangé autour de la dynamique de l’appellation Jurançon, notamment sur le fait qu’il s’agit aujourd’hui d’une appellation véritablement coupée en deux avec d’une part les coopérateurs et de l’autre les vignerons indépendants. Les deux parties n’ont pas du tout la même vision de l’avenir de l’appellation et les mêmes logiques de distribution, la coopération préférant se concentrer sur de gros volumes, des vignes travaillées en conventionnel, des moûts souvent rectifiés en vue d’obtenir des vins peu chers pour la grande distribution…

Et s’il y a bien sûr une grande diversité dans l’approche des vignerons indépendants, ceux-ci se serrent plutôt les coudes plutôt que de défendre leurs chapelles.

A entendre le discours tenu – et ici, les tenants et les aboutissants sont bien connus, Henri Lapouble-Laplace ayant été président d’appellation pendant plus de dix ans – les deux positions semblent aujourd’hui irréconciliables.

Très jolie visite, un peu ternie par l’absence de rayon de soleil, mais les jours suivants rattrapèrent cela comme vous le verrez !

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