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Philippe Tessier à Cheverny : le questionnement permanent

Le voyage en Touraine se poursuit avec un passage au Domaine Philippe Tessier à Cheverny.

Je suis accueilli par Philippe, vigneron discret, réservé, mais exigeant et pointu. Et c’est parti pour un tour complet de la cave avec dégustation sur fût et en bouteille de l’ensemble des vins de la gamme !

Philippe a aujourd’hui le sourire : ses fûts sont pleins du millésime 2018. Cela faisait plus de deux ans que cela n’était pas arrivé, 2016 et 2017 ayant été pour le moins avares en raisins suite au gel.
Fort heureusement, le Domaine n’a pas été touché de manière sérieuse par les gels du printemps 2019 et, pour le moment, il y a de bonnes chances pour que la productions soit bonne. Mais tant que le vin n’est pas en bouteille, rien n’est joué !

Les 2018 sont d’ailleurs le meilleur exemple de cet adage : les blancs sont, pour la plupart, loin d’avoir terminé leurs fermentations et Philippe craint qu’il ne faille levurer légèrement afin de les relancer avant que le vin ne s’oxyde. Car, ici, l’intervention reste le dernier recours. Le vignoble est conduit en bio et les vinifications se font la très grande majorité du temps sans le moindre intrant, juste un peu de SO2 à la mise en bouteille afin de garantir des vins stables et purs.

Philippe apprécie la vinification en foudres : on garde une grande pureté de fruit tout en ayant une micro-oxygénation

Les cépages vinifiés sont le sauvignon, le chardonnay, le menu-pineau et le romorantin en blanc et le pinot-noir, le gamay, le côt et le pineau d’Aunis en rouge.
Philippe songe d’ailleurs à planter de nouvelles parcelles en pineau d’Aunis : le cépage se montre productif, plutôt résistant et surtout rencontre un franc succès auprès des consommateurs. A goûter sa cuvée 100% Aunis, juteuse, fruitée, joyeuse sans être trop variétale, on ne peut que lui donner raison.

Evidemment, ici, le cépage roi est le romorantin, cépage indigène et seul accepté dans l’appellation Cour-Cheverny. C’est un magnifique cépage blanc qui, quelque soit sa maturité, offre des vins gardant une belle acidité. Un atout majeur pour un millésime solaire comme 2018 où les autres cépages blancs tendent à devenir un peu trop patauds aux yeux de Philippe. Il vinifie le romorantin en sec, sur trois cuvées différentes en fonction des terroirs et de l’âge des vignes (Les Sables et la Porte Dorée 2018 seront grands, d’une concentration remarquable… Quand ils auront fini leurs fermentations !). Mais il produit également les beaux millésimes une cuvée en moelleux (le 2015 goûté était d’un équilibre superbe, avec cette acidité fraîche venant apporter beaucoup de pep’s au vin).
Et enfin, mais cela est moins connu, le Domaine produit également un romorantin de macération en qvervi, ces amphores géorgiennes enterrées. Philippe dispose de deux de ces amphores achetées en 2014 en même temps que Puzelat et d’autres comparses de la région.

Les qvervi enterrées. De jolis bébés de quelques centaines de litres !


J’ai pu goûter le 2018, placé en cuve avant mise en bouteille, et c’est d’un magnifique équilibre. Le vin reste d’une belle finesse et on reconnaît encore bien la typicité du romorantin. Le 2014, goûté en bouteille, présente une belle plénitude et est aujourd’hui à maturité.
Les macération en qvervi sont très longues, 7 mois pour le 2014, et, pour Philippe, l’un des principaux défis est justement d’adapter la durée de ces macération à la maturité et à la concentration des raisins. Une mauvaise gestion en 2015 lui a servi de leçon pour le millésime 2018.

En rouge, en plus des traditionnelles cuvées de Cheverny en assemblage, le Domaine produit les beaux millésimes une cuvée 100% pinot-noir et une cuvée 100% gamay. Goûtées sur fût, ces deux cuvées sont très prometteuses. D’une belle concentration mais sans manquer de finesse. le pinot se révèle plus suave et charnu là où le gamay est un peu plus acidulé, structuré et épicé. De manière générale, Philippe est très content des rouges 2018, même s’il admet que les grandes cuvées demanderont sans doute un peu de temps pour se faire.

Aujourd’hui, le Domaine est en pleine mutation avec l’arrivée de Simon, le fils de Philippe, qui sera amené dès février prochain à lui succéder officiellement. Changement de nom pour le Domaine en vue, et changement d’identité graphique, l’actuelle existant depuis 1985. Mais pas de changement de style : Philippe sera toujours là pour veiller au grain et, comme le dit Simon : “le jour où j’arriverai à faire des vins du niveau de ceux de mon père, je pourrai me poser la question d’avoir mon propre style !”

Simon Tessier, la relève !

L’avenir du Domaine semble donc assuré ! Si tant est que le bouleversement climatique ne vienne pas définitivement rebattre les cartes dans la région.

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