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Nos boissons chouchoutes de 2023 !

Le grand classique des rétrospectives, des palmarès, des tops 10 en tout genre sur l’année 2023 ! On s’y met nous aussi avec notre sélection de coups de cœur de 2023 !

Rouge à moins de 15€

Simon : Domaine l’Austral – VDF rouge “Octopus” 2022. Une bombe de fruit et de gourmandise. Bu en pique-nique à la plage devant un coucher de soleil, c’était le vin parfait et on aurait pu en vider de sacrés quantités tant c’était bon. Gourmand mais non dénué de complexité, un vrai pur jus !

Arnaud : Thierry Navarre – Saint-Chinian rouge “Le Laouzil” 2019 (en magnum). Un super côté fruits noirs et garrigue, d’une fraîcheur et d’un équilibre remarquable. Le schiste ressort fortement en finale. Les 2-3 ans de bouteille ont vraiment fait du bien. Le magnum était trop petit…

Rouge à moins de 25€

Simon : Domaine la Bonne Tonne – Morgon Côte-du-Py 2014. Pile à maturité, bien qu’en ayant encore sous la pédale pour quelques années. Quel vin ! Fin, profond, épicé, d’une grande plénitude. Ca commençait à pinoter sérieusement avec beaucoup de classe. Un très gros plaisir qui vient rappeler que garder les vins de la Bonne Tonne quelques années en cave vaut largement le coup. Le rapport prix/plaisir de l’année pour moi !

Arnaud : Domaine Mélaric – Saumur-Puy-Notre-Dame rouge “La Cerisaie” 2019. Un grand cabernet franc sur tuffeau profond, dense, d’une classe infinie, au soyeux incomparable et à l’impression “terroir” très affirmée. Une petite claque !

Grand rouge à n’importe quel prix

Simon : Domaine des Croix – Beaune 1er Cru Les Grèves rouge 2017. Waw. La définition même d’un grand vin. Une aromatique envoûtante et complexe, donc difficile à définir, mais assurément très florale, avec une pointe d’épices et un joli fruit très charmeur. On reste dessus des minutes entières. Avec l’ouverture, on part sur l’orange sanguine et la fraise très mûre, avec une pointe de rose séchée. En bouche, le soyeux est incomparable, la présence folle et l’évolution impressionnante : une attaque fraîche et juteuse, un milieu de bouche très soyeux et une finale d’une longueur apaisante et qui détend l’ensemble du corps. On est au delà de la dégust’ technique et on a vraiment des émotions fortes mais douces. En accord parfait avec un chou farci de chez Ripailles, un très très grand moment.

Arnaud : La Calmette – Cahors “Butte rouge” 2017. Tout simplement énorme ! Puissant mais élégant, dense mais soyeux, présent mais sans s’imposer. Un vrai vin de contrastes à l’image de ces terroirs d’altitude du Causse de Cahors. Un malbec juteux, complexe, profond, avec encore énormément de fruit et une pointe d’évolution. Et une bouche aux tanins d’un superbe soyeux. Ça en met plein la bouche mais reste d’une distinction remarquable. On en a gardé un peu en cave et on est très très contents !

Blanc à moins de 15€

Simon : Domaine Laougué – Pacherenc-du-Vic-Bilh sec “L’Orée” 2021. Un nouveau domaine à la Cave et un très gros coup de coeur pour cette cuvée 100% petit courbu. C’est droit, c’est sec, c’est dense, ça a une énergie folle et la finale claque de sapidité et de salinité. Les fines notes oxydatives ultra intégrées apportent une vraie complexité. Un style sans doute clivant, mais j’adore !

Arnaud : Clau de Lise – Cévennes blanc “Souffle” 2022. Premier millésime pour Lise et déjà une grosse réussite. Un vin d’une grande présence mais d’une très belle délicatesse. Des arômes de fruits jaunes (mirabelle), de fleur, une bouche à la fois grasse et tendue, on sent la fraîcheur du terroir. Beaucoup de présence et une belle complexité. Les dégustateurs du salon ne s’y sont pas trompés : tout le stock a été épuisé !

Blanc à moins de 25€

Simon : Domaine de Chevillard – Jacquère 2020. Le domaine de Savoie coup de coeur ! Une Jacquère “entrée de gamme” à l’élevage long et quelle claque ! Un style qui fait penser à un savagnin jurassien, tendu, droit, puissant, aux notes de fruits jaunes et à la pointe légèrement oxydative. C’est d’une présence folle. Avec une fondue, c’est absolument parfait ! Un vin qui laisse une vraie impression.

Arnaud : Domaine l’Austral – Saumur blanc “Octopus” 2022. L’Austral est sans doute le domaine coup de coeur d’Arnaud sur 2023 (il a éclusé le stock de Manta 21 !). Mention particulière pour Octopus 22, malheureusement pas en quantité assez élevée pour la gourmandise du caviste ! Un très très beau chenin ample, généreux, mais à la finale ciselée, taillée à la serpe dans le silex ! C’est extrêmement sapide et donne envie d’y revenir encore et encore.

Grand blanc à n’importe quel prix

Simon : Domaine Lajibe – Jurançon sec “Serres-Seques” 2020. Pas franchement une grosse surprise car je suis un fan absolu des vins de Jean-Baptiste Semmartin que je considère comme étant l’un des plus grands vinificateurs en blanc de France. Un vin franc du collier, droit, sec, puissant, qui en met plein le nez et la bouche ! C’est un vin qui impressionne par sa densité et sa droiture. Une présence folle, une capacité de garde probablement très conséquente… Qu’est ce que c’est bon ! A chaque fois que je fais goûter Lajibe, tout le monde en veut !

Arnaud : Vincent Gaudry – Sancerre blanc “A mi-chemin” 2021. A vrai dire, c’est aussi LA claque de Simon en blanc de l’année, sans la moindre contestation, mais il fallait chacun la sienne ! Goûté sur salon (donc pas dans des conditions idéales), sur un millésime trop jeune… Et pourtant… Quelle pureté, quelle minéralité. L’expression jus de roche dans ce qu’elle peut avoir de plus fort. Un vin à la fois très présent, qui vibre dans tous le corps et laisse son empreinte, mais en même temps d’une épure impressionnante. Un très très grand sauvignon sur silex. Avec quelques années de plus, ce sera vraiment quelque chose !

Bulle

Simon : Champagne Selosse – Millésime 2009. Difficile de mettre autre chose que celui-ci ! Dégusté lors d’une soirée où un bon client avait très gentiment proposé de déguster ensemble une Cuvée Initial dégorgement 2010. Il fallait mettre quelque chose qui tienne la route en face. Pari largement tenu puisque ce Millésime 2009, dans le style oxydatif et généreux de Selosse était tout simplement d’une complexité et d’une profondeur rares ! On sait pourquoi Selosse a un tel succès !

Arnaud : Champagne Guiborat “De Caurès à Montaigu” 2016. Une salinité et une expression du terroir de craie comme jamais. Le vin peut paraître austère, mais il est tramé tout du long par une impression salée qui impressionne ! La finale sur le poudreux de la craie marque et donne envie d’y revenir verre après verre. Dégustée le 31 décembre à 18h30 pour marquer la fermeture, donc entre dans le classement de justesse !

Blanc de macération

Simon : Les Bottes Rouges – VDF blanc “No Milk Today” 2020. Une macération de savagnin du Jura à la fois délicate (très peu de tanins) et d’une énergie folle ! Un concentré d’énergie prêt à exploser ! Une amie a comparé ce vin à une Catherine Ringer des Rita Mitsoukos remontée à bloc et prête à monter sur scène et j’avoue que c’est exactement ça. Un vin uppercut !

Arnaud : Didier Barral – VDF blanc 2016. Comme toujours, les vins de chez Barral mettent du temps à se mettre en place, mais une fois que c’est prêt, qu’est ce que c’est bon ! Une belle densité, beaucoup de caractère et maturité pour un vin qui se détend au fur et à mesure de la dégustation. La finale pleine de caractère et aux jolis tanins le réserve pour la gastronomie. Il est d’ailleurs parfait sur un Etivaz suisse…

Bières

Simon : Brasserie Ammonite – Soliste III. Bière de fermentation spontanée vieillie 2 ans en fûts de bourbon. Un équilibre étonnant ! A la fois très citrique et saline tout en gardant une grosse rondeur et de jolies notes maltées et miellées. Beaucoup de longueur. Vivifiante et apaisante !

Arnaud : Craig Allan – Psychedelia. Une blonde légère et florale ultra désaltérante et d’un équilibre remarquable ! Parfaite en été pour passer un bon début de soirée. Mais en fait parfaite à tout moment ! 

Spiritueux

Simon : Maison Meunier – Genepi Héritage. Quelle gourmandise ! Les liqueurs sont vraiment de retour en grâce auprès des buveurs. L’ami des fins de soirée. un équilibre entre la gourmandise légèrement sucrée et le végétal de la plante de génépi. J’ai convaincu à peu près toutes celles et ceux qui en ont goûté. Attention, il est terrible : les discussions se prolongent jusque pas d’heure avec lui !

Arnaud : Whisky Signatory Vintage – Linkwood 2008. Un grand whisky tout en finesse et en élégance, la pureté incarnée. Rien ne dépasse, tout est à sa place, pour une très belle expressivité d’une précision folle !

Sans alcool

Les Sirops de Bacanha. Une palanquée de goûts (verveine, fleur de sureau, noisette, yuzu, gingembre…), une concentration et une pureté des arômes vraiment impressionnante, de belles bouteilles qui durent longtemps car il n’y a vraiment pas besoin d’en mettre beaucoup. Très très bons pour eux-mêmes, mais c’est en mixologie qu’ils révèlent tout leur potentiel ! Le cocktail sans alcool verveine-jus de citron-tonic est devenu un incontournable absolu des soirées et ne cesse de faire de nouveaux adeptes qui, même buvant de l’alcool le jour même, craquent pour en prendre un !

Mention spéciale

La sélection de Sakés de Gaël Segear.  Vous avez été quelques uns à l’expérimenter lors du salon. Certaines et certains n’ont pas accroché, pour d’autres ce fut une révélation. Pour Arnaud comme pour Simon, une vraie claque, une dégustation qui éloigne des arômes et de l’analyse cérébrale pour aller vers le sensitif et l’émotionnel. De vrais grands moments uniques avec des accords surprenants mais à la précision inégalable… Le Saké va prendre une place vraiment importante dans nos rayons et nous allons continuer à nous former pour vous conseiller au mieux !

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Météo : Janvier sera-t-il sec ?

C’est en train de devenir le marronnier du mois de janvier, chaque année plus fort, le fameux dry january, le mois sans alcool. Que cette idée vous énerve au plus haut point ou que vous soyez adepte inconditionnel, impossible d’être passé à côté car le battage médiatique et le suivi individuel se fait chaque année plus fort.

Je ne vais pas débattre ici du bien-fondé ou non de ce mouvement.

Plus que le dry january en lui-même, c’est l’évolution du rapport à l’alcool qui est intéressante en tant que caviste. Réfléchissons global. Aujourd’hui, en France, 20% de la population adulte ne boit pas du tout d’alcool. La part des personnes qui consomment du vin quotidiennement (le fameux verre pour accompagner le repas) est passée à 11%. Les populations les plus jeunes sont les plus concernées par cette baisse de la consommation avec un très net désintérêt pour les boissons alcoolisées chez les moins de 30 ans. Le vin est la première boisson touchée.

Plus proche de nous, on constate un rajeunissement progressif de la clientèle de la Cave. Je suis convaincu qu’une baisse de la consommation d’alcool ne peut qu’être bénéfique globalement aux cavistes qui, comme nous, axons sur la qualité plutôt que la quantité.

Depuis mardi (mois de janvier donc), environ 1/4 des personnes qui entrent dans la Cave viennent exclusivement ou en partie demander des boissons sans alcool. La tendance est en très nette hausse.

Face à l’ensemble de ces constatations, trois positions peuvent être adoptées.

  1. Ne rien changer. On vend de l’alcool, c’est notre métier. Tant pis pour celles et ceux qui n’en boivent pas. Après tout, un végétarien ne va pas chez le boucher.
  2. Hurler, se plaindre, critiquer ces gens qui ruinent la culture française, n’ont aucune notion de bien-vivre. Faire comme je vois beaucoup sur les réseaux, critiquer un monde woko-bobo-écolo délirant qui va nous mener à la perte de nos traditions viticoles. Et tant qu’à faire, attraper un buveur de flotte, l’attacher à une table et lui mettre du bon jaja dans un entonnoir, qu’il comprenne ce qui est bon. Ca c’est être Français, oui ! Et puis une côte de boeuf sans pinard, c’est d’une tristesse…
  3. Et si notre métier était plutôt d’accompagner les gens à bien boire, quel que soit leur choix de boisson ? Leur proposer des produits de qualité, dûment sélectionnés, adaptés à leurs envies et limitations diverses ?

Le propos peut paraître caricatural, mais, honnêtement, quand je vois la réaction de nombreux acteurs de la filière qui ne veulent proposer comme seule boisson non alcoolisée que du jus de pomme ou du jus de raisin, et sinon, les gens n’ont qu’à pas nous emmerder et boire de la flotte, je me demande si je suis si loin de la réalité…

Et si on ouvrait nos œillères pour réellement rechercher des boissons non alcoolisées qualitatives, produites avec soin, adaptées à tous les goûts (peu ou pas de sucre notamment) et qui peuvent fonctionner avec délices en accords gastronomiques ?

Ne rêvons pas : la tendance est réelle et ce n’est pas en se plaignant que tout part à vau l’eau ma p’tite dame, que les jeunes ils savent plus boire, qu’on va l’inverser (et le faudrait-il ?) et qu’on va attirer les-dits petits jeunes dans nos établissements.

N’est-on pas avant-tout vendeurs de plaisir et de convivialité ? J’avoue que reléguer les personnes ne buvant pas d’alcool à l’eau (et au pain, pour peu que ces imbéciles-malheureux aient en plus le mauvais goût d’être vegans) ne me semble pas franchement d’une convivialité folle… Bien accueillir, bien servir, être aux petits soins, à l’écoute des envies et besoins de ses hôtes, et si c’était ça, finalement le vrai savoir-être ?

Je suis convaincu depuis longtemps des possibilités des boissons sans alcool dans leur immense variété avec la gastronomie. Avez-vous déjà essayé du thé fumé avec de la raclette ? Cela fonctionne peut-être mieux que n’importe quel vin du Jura ou n’importe quelle bière ! Les accords thé-gastronomie sont d’ailleurs assez magiques, mais à force d’essais et de résistance rencontrée, j’ai bien du me résoudre au fait que notre civilisation n’était pas encore prête à franchir le pas.

Tant pis, tant mieux ! Nous partirons donc en quête de nouveaux produits sans alcools ayant un vrai intérêt, ne cherchant pas forcément à copier les boissons alcoolisées existantes (le problème du vin désalcoolisé rarement ne serait-ce que buvable…), mais ayant une vraie identité, une vraie philosophie et une approche respectueuse du produit !

En attendant, nous avons déjà des jus de pomme et de raisin produits par nos paysans, des bières sans alcool, des tonics et ginger beers de compet’, des sirops à la délicatesse infinie et même des sodas très très peu sucrés.

Mais on va bosser pour élargir tout ça avec notre exigence habituelle, avec pour objectif d’arriver à une grosse trentaine de références variées, pour tous les goûts, tous les plaisirs. 

Et toute l’année, pas que en janvier pour suivre une tendance !

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Jean-Baptiste Semmartin du Domaine Lajibe : l’exigence avant tout

Dans le voyage à Jurançon, passage obligé chez Jean-Baptiste Semmartin du Domaine Lajibe. Tout jeune domaine (premier millésime en 2018), il n’en est pas moins très vite devenu l’un des domaines les plus en vue de l’appellation.

Pourtant, dire que Lajibe est un domaine modeste est un euphémisme… A peine 5ha, uniquement en fermage, pas de structure propre mais un tout petit chai au sein de bâtiments du Domaine Larroudé, avec qui Jean-Baptiste partage également une bonne part de matériel, deux personnes à travailler sur l’exploitation, Jean-Baptiste et, depuis tout récemment, sa femme Juliana à la comptabilité et à la préparation des commandes. Bref, on est très très loin du clinquant d’un domaine que l’on peut déjà qualifier de star (en tout cas au vu de la demande en vins) !

Jean-Baptiste est un néo-vigneron au passé original : ancien escrimeur en sabre, il a tutoyé le très haut niveau puisqu’il a intégré l’équipe de France et gagné ses galons au niveau international dans les pas de la fameuse école de Tarbes, ville dont il est originaire. De ce passé, il a certainement gardé un sens de la rigueur et une exigence à toute épreuve. C’est en tout cas ce qui ressort nettement de sa rencontre. Il a ensuite fait ses galons de vigneron à Bordeaux et en Bourgogne où il a appris l’intérêt des élevages longs.

Le Domaine est situé dans la partie la plus occidentale de l’appellation Jurançon où il bénéficie d’un terroir particulier. D’un point de vue climatique et micro-climatique tout d’abord : il s’agit de l’un des terroirs les plus précoces de l’appellation. Le vallon où sont les parcelles qui produisent Haure et Carmeret est vendangé systématique environ trois semaines avant le reste de l’appellation ! En effet, il est l’un des rares à être bouché à l’Ouest, ne bénéficiant ainsi pas des traditionnelles entrées maritimes. Les sols sont de deux natures : flyschs formés lors de la compression d’amas détritiques issus de l’érection des Pyrénées pour Haure et Carmeret (la différence entre les deux parcelles voisine tenant à la profondeur des sols : directement sur la roche pour Carmeret, quelques mètres de sol pour Haure) et galets roulés sur une crête pour Serres-Seques qui bénéficie ainsi de l’effet “four” de ces derniers, devenant ainsi une véritable “usine à sucres”. Jean-Baptiste insiste également sur l’importance des veines d’oxyde de fer qui stockent les nutriments et sur lesquelles les racines de vigne viennent se greffer.

Le travail à la vigne est en bio et en biodynamie, avec l’avantage énorme que procure la polyculture traditionnelle de la région : ici, pas de mer de vigne mais un espace partagé qui offre une biodiversité importante. L’enherbement est de mise et les rendements sont ridicules, avoisinant parfois les 5hl/ha, y compris pour la production de vins secs !

La parcelle de Carmeret avec vue sur les Pyrénées. Haure est juste à droite, en haut du talus qui commence à se dessiner.

Nous nous dirigeons ensuite vers le tout petit chai où les barriques s’entassent : pas un espace de perdu ! Depuis que Jean-Baptiste s’est lancé dans son activité de négoce, il a un peu plus de vin. Aujourd’hui, c’était jour de mise en bouteille des 2021 du Domaine, c’est donc sur ce millésime que s’axe la dégustation. Concernant l’activité de négoce, Jean-Baptiste insiste sur le fait qu’elle doit absolument être aussi qualitative que la production Domaine, il a donc une exigence toute particulière : pas plus d’un viticulteur par cuvée, afin de préserver une identité terroir, des méthodes de travail triées sur le volet, au plus proche du bio et de la phytothérapie, un contrôle précis des dates et méthodes de vendanges et, enfin, une fois les raisins récupérés, Jean-Baptiste les chouchoute comme les siens ! Le moins que l’on puisse dire est que, de fait, la qualité des vins suit très largement et que la “patte” Lajibe se fait sentir très nettement. De plus, une nouvelle structure “Mansengs et Cie” a été créée et est indiquée de manière très claire sur la bouteille qui se différencie visiblement des cuvées Domaine : Jean-Baptiste est avant tout un amateur de vin et souhaite être clair dans sa démarche sans la moindre entourloupe.

La discussion porte vite sur les méthodes de vinification et d’élevage. Là encore, c’est l’exigence qui domine : élever un vin, pour Jean-Baptiste, ce n’est surtout pas ajouter, c’est éliminer le superflu, ne garder que l’essentiel, affiner, encore et encore pour arriver à l’essence même de ce que le jus à a offrir. Cela demande du temps, de la patience et beaucoup d’écoute. Si Jean-Baptiste se défend de toute filiation directe avec son passé d’escrimeur de haut niveau, difficile de ne pas voir là une similitude avec le travail de recherche du mouvement précis et épuré, qui cherche l’efficacité et fait mouche à force de patience et de répétition. Pas de doute : réussir à atteindre un haut niveau dans deux domaines aussi différents que le sabre et le vin résulte d’une personnalité de fond soucieuse de la précision et de l’épure, exigeante jusqu’à l’extrême.

Cette exigence se fait essentiellement au travers d’un rapport sensitif et intuitif aux vins produits : si Jean-Baptiste a évidemment de solides connaissances techniques, c’est surtout la dégustation qui détermine si un vin est prêt ou non. Et un vin ne sortira que s’il procure la satisfaction voulue. En témoigne ce Serres-Seques moelleux 2019 encore en élevage et dont Jean-Baptiste n’est pas encore tout à fait satisfait. Il admets volontiers ne pas toujours réussir à amener ses vins sucrés là où il le souhaite et que cela est peut-être compliqué du fait de ses choix technique : peu ou pas de soufre, pas de filtration dans l’idéal.

Il prête notamment une très grande attention aux finales des vins qui doivent avoir une salinité et une sapidité marquées. Et, pour lui, cela n’est possible pour ses mansengs adorés que grâce à des élevages longs et patients. D’autant que ses vins sont concentrés au possible : pour Jean-Baptiste, l’un des éléments les plus importants de la structure de ses vins provient de la concentration en polyphénols. Pour obtenir celle-ci, il va à l’encontre de ce qui est recommandé pour les mansengs à la peau si épaisse : il effectue des pressurages longs et sévères, allant jusqu’à recueillir de la presse afin d’extraire la matière des pépins et de la peau. Cette méthode assez originale teinte fortement les vins, leur donnant une densité et une structure particulières qui participent au style reconnaissable du Domaine.

La dégustation qui a suivi était des plus intéressantes. Au programme : les cuvées de négoce Marcel et Mansengs 2021. Serres-Seques sec 2020. Ces trois bouteilles étaient ouvertes et simplement rebouchées depuis une semaine et ne présentaient pas le moindre signe d’oxydation prématurée. Une structure et une intensité intacte ! Chapeau ! Marcel 2021, issu d’une parcelle en négoce de Jurançon s’est un peu assagi depuis l’automne où il procurait la sensation d’un uppercut. Superbe mais violent. Aujourd’hui, il reste un vin à l’intensité remarquable, mais plus accessible, moins direct et donc plus complexe. Très belle surprise en regoûtant Mansengs 2021 qui s’est affiné et a gagné en précision et en pureté. C’est un superbe vin, et le seul qui ne soit pas issu de terroirs du Jurançon mais de mansengs du Gers, cultivés en biodynamie sous la main experte de Sébastien Fezas. Assurément, le Gers dispose d’un potentiel à très grands terroirs aujourd’hui largement maltraités par une approche industrielle de la viticulture. Serres-Seques 2020 s’est détendu depuis ma dernière dégustation il y a près d’un an : la volatile alors présente s’est intégrée et le vin, alors impressionnant de complexité mais peut-être un poil brouillon s’est harmonisé et allie énergie folle et élégance. Comme je le fais remarquer, il me fait penser à un Noël de Montbenault de Richard Leroy par son équilibre entre tension saline et densité carrée. sans compter sa tenue impressionnante à l’air ! Jean-Baptiste me répond qu’il ne connaît pas bien les vins de Richard Leroy, mais que la comparaison lui est parvenue plus d’une fois à l’oreille !

Dès lors, il est intéressant de goûter Serres-Seques sec 2021 sur un fond de mise : immédiatement, la filiation entre les deux millésimes sur une même parcelle est sensible : c’est la même structure de vin, le même type de touché de bouche. mais 2021 est plus frais, plus tendu, et déploie une énergie qui enveloppe tout le torse de manière étonnante ! Encore tout jeune, mais promis à un très grand avenir. La surprise vient de la méthode d’élevage : presque la moitié des barriques assemblées dans ce vin n’ont pas été ouillées ! Et pourtant, s’il y a bien une patine étonnante, il n’y pas de trace d’oxydation marquée. Pour Jean-Baptiste, cela est du à la concentration en polyphénols mentionnée plus haut. Carmeret 2021, également en fond de mise, est plus massif, plus austère. C’est un concentré d’énergie brute et dense un peu renfrogné à la manière d’un caillou bien dur qu’il va falloir polir pour en faire ressortir les veines et la finesse. Nul doute que ce sera très beau, mais c’est à attendre en bouteille, même si on perçoit que le vin est bel et bien fini car la finale déploie déjà toute la salinité recherchée.

Enfin, nous terminons par deux Jurançons doux encore en élevage. Le premier est issu d’une nouvelle parcelle exploitée en fermage par le Domaine. Située sur des terroirs calcaires de l’appellation, les vignes produisent un vin doux sapide, élégant, à la superbe acidité citrique. C’est extrêmement facile à boire, d’une grande jutosité et élégance tout en conservant la densité et le style gastronomique spécifique à Lajibe. Le second est le fameux Serres-Seques doux 2019, que Jean-Baptiste décide finalement de travailler en oxydatif, peu convaincu par le premier élevage du vin. C’est un vin dont il n’est pas encore tout à fait satisfait et ne sait pas s’il finira un jour en bouteille pour lui même ou s’il sera conservé pour être assemblé et teinter d’une pointe de complexité d’autres cuvées de doux. En effet, si la complexité aromatique, la présence et la densité sont de la partie, la finale manque de cette précision saline et élégante présente dans toutes les autres cuvées dégustées. Cela reste toutefois encore très bon.

Que retenir de cette visite ? Une cohérence totale de l’ensemble, avec un vigneron sensible et attaché au sensitif, pour qui l’exigence sans faille est guidée plus par l’intuition que par la technique. J’aimais les vins. A présent, je suis très attaché au Domaine dans son ensemble !

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Les Longues Vignes : bientôt le vin breton ?

Edouard Cazals devant ses jeunes plants de grolleau

C’est une première en Bretagne et c’est un plaisir d’avoir été leur rendre visite : le Domaine Les Longues Vignes, à Saint-Jouan des Guérets, sur les coteaux de la Rance, prépare son premier millésime pour 2022 !

Les Longues Vignes, c’est le projet d’Edouard Cazals, néo-vigneron (forcément !), accompagné de Pauline sa compagne et de David, caviste. Ils ont eu l’idée un peu folle en 2019 de planter 2 ha de vignes sur un coteau plein Sud surplombant l’estuaire de la Rance, à deux pas de Saint-Malo !

David nous expliquant les caractéristiques du superbe terroir. On aperçoit une jeune haie tout juste replantée.

Un peu d’histoire : la vigne a quasiment disparu de Bretagne à la suite de la crise du phylloxéra, fin XIXe siècle. Plus de réel domaine et une idée bien ancrée que le terroir breton n’était pas franchement adapté à la culture de la vigne. A vrai dire, jusqu’en 2015, planter de la vigne pour un usage professionnel était totalement interdit dans la région et les rares parcelles cultivées était le fait de particuliers ou d’associations.Mais, fin 2015, révolution dans le Landerneau viticole français : harmonisation européenne oblige, il y a libéralisation des droits de plantation. Concrètement, cela veut dire qu’il est désormais possible de planter de la vigne n’importe où, y compris dans les régions jusqu’ici considérées comme impropres à cette culture…

Edouard Cazals travaille donc le projet, fait des études climatiques en partenariat avec l’Université Rennes 2 et l’INRA, réfléchit aux cépages, trouve une parcelle en bord de Rance et, en 2019, le premier pas est franchi : 2ha de chardonnay, de pinot-noir et de grolleau sont plantés ! Des cépages précoces, pour assurer le coup. L’objectif : produire des vins effervescents, en méthode traditionnelle (à la champenoise donc). Pourquoi ce choix de vins effervescents ? Par goût, évidemment ! Mais surtout, les maturités à atteindre pour le raisin sont plus faibles et il est donc potentiellement plus facile d’obtenir un bon vin sur ces terroirs au potentiel encore inconnu. 1ères vendanges : septembre 2022 ! Mais attention : si le potentiel qualitatif est là, l’équipe ne s’interdit pas de songer à des blancs et rouges tranquilles…2 autres hectares, juste en dessous de la première parcelle, seront également plantés le 1er avril 2022 (soit d’ici deux semaines), portant le Domaine à 4ha. Mais aucune volonté d’agrandir plus : l’objectif est avant tout qualitatif.

Epandage d’engrais organique (fumure) afin d’assurer un bonne croissance aux très jeunes vignes

Edouard ne vient pas de nul part : titulaire d’un BTS viti-oeno, il a travaillé pendant plusieurs années chez Mitjaville, à Bordeaux, vinifiant notamment le célèbre Tertre Roteboeuf ! Il a donc une vision précise et sérieuse de la viticulture et c’est un véritable projet global qui se met en place. Viticulture bio, tout d’abord. Sur ce beau terroir, pas question de faire de l’industrie lourde. La percelle était déjà travaillée en bio depuis plusieurs année et jouit d’une belle biodiversité. Celle-vi sera renforcée par la continuation de l’agriculture bio, version phytothérapie tant que possible. Mais également par la volonté de replanter des haies, de reboiser un espace déjà cultivé en polyculture. Ainsi, un verger de vieilles variétés de pommiers, de poiriers et de cognassiers vient d’être planté juste à côté des vignes ! L’idée est également d’avoir une approche paysagère, en alternant le sens de plantation des rangs afin de créer de la diversité et d’éviter les couloirs de vent. Une approche globale plus que louable !

Les tout jeunes chardonnays

Le terroir sur ce coin ? Il est assez complexe : un sol très argileux, allant de 50cm à 1m50 de profondeur au dessus d’une dalle granitique primaire. Mais également des cailloux de schistes et de grès, quelques quartzites : un joyeux méli-mélo en exposition plein sud qui, si on en croit les études climatiques, jouit d’un potentiel d’ensoleillement et de température meilleur que bien des coins où est aujourd’hui traditionnellement cultivée la vigne. Le reflet du soleil sur la Rance aide énormément et, en été, la température peut vite monter ! Nous étions le 18 mars par beau temps et, déjà, ça tapait !

A la cave, l’objectif est de laisser parler le raisin : levures indigènes, oeufs bétons, quelques cuves inox, des barriques, mais pour des cuvées spécifiques. Bref, on verra ce que donnera la parcelle, mais pas question d’avoir une approche trop techno-oenologique, ce qui rassure pour le moins !L’approche commerciale est tout ce qu’il y a de plus rassurante également : David m’explique que le réseau visé est celui des cavistes pointus et des restaurants avec une belle carte. pas question de vendre en boutiques de souvenir un vin “made in bzh” ! Le terroir se trouve en Bretagne, c’est plus un état de fait qu’une identité qui sera mise en avant en gros sur les bouteilles. De même, David m’explique qu’il n’y a pour le moment aucune envie de jouer du tourisme dans la région pour vendre et se faire connaître : pas de visites particulières au Domaine, peu de communication médiatique. L’objectif est d’avoir du temps pour travailler de manière paysanne !

Bref, un très beau projet, plein de belles idées et plein d’avenir. Tout est à créer et les surprises seront aussi nombreuses que les incertitudes qui règnent encore. Mais c’est là tout le sel d’une telle aventure qui démarre sous les meilleurs auspices. Edouard le dit avec confiance : “pour le moment, 2022 commence exactement comme 2018. Même début de saison. Les nuages de sable du Sahara qui nous arrivent vers la même période… Si 2022 est comme 2018 dans le coin, on aura pas à se soucier de maladies et de maturité !”

A suivre donc !

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La lettre : à table (?) !

Jan H. STEEN. La Joyeuse Famille. 1668

Je suis encore jeune caviste. 6 ans de métier, tout juste. Pourtant, certaines évolutions du métier, pour ne pas dire de la société dans son ensemble, se font déjà sentir sur une période aussi courte.

L’une des principales, qui n’a de cesse de m’interroger est le progressif effacement des repas à table festifs au profit des apéritifs dînatoires. La chose est de plus en plus nette. A la question “est ce qu’il y a un accord particulier ?”, la réponse devient presque deux fois sur trois “oh, c’est pour boire en grignotant” ! Je n’ai pas de statistique solide, les scientifiques m’en excuseront (si un ou une sociologue veut mener l’étude, la Cave lui est grande ouverte !). Mais le ressenti est là.

Je dois moi même admettre que je participe à cette tendance : les soirées amicales sont souvent plus l’occasion de houmous, de quiches, de cakes, de tartinades diverses et variées plutôt que du traditionnel “apéro-entrée-plat-fromage-dessert”. L’apéro a vampirisé le repas ! Cette tendance se remarque évidemment de manière particulièrement forte chez les plus jeunes (moins de 40 ans), mais force est de reconnaître que chez nombre de personnes plus mûres, elle s’installe doucement.

Finalement, les rares fois où un repas nous est donné comme base, il s’agit souvent, en été d’un barbecue, en hiver d’une raclette ou, pour les fêtes, d’une volaille aux marrons… La variété ne s’impose pas franchement. Et, fatalement, les accords ne peuvent guère être plus variés…

Difficile dès lors pour un caviste de ne pas trouver une telle évolution comme quelque peu dommage. Dommage d’un point de vue purement patrimonial, tout d’abord. L’entrée-plat-dessert, c’est une culture du temps pris pour manger, de la nourriture placée au centre de la convivialité. C’est un trait culturel fort sinon français, tout au moins méditerranéen. J’affirme souvent qu’en tant que Breton, je me sens culturellement plus proche d’un Ecossais ou d’un Irlandais que qu’un Marseillais. Exception faite de ce qui touche à la nourriture, auquel cas je me sens nettement plus proche d’un Grec, d’un Italien ou d’un Marocain que de personnes venant du Nord de l’Europe. Pas tant par ce qu’on mange que par la manière de concevoir le repas comme moment central de la journée et vecteur essentiel de sociabilité.

Dommage d’un point de vue découverte culinaire. Un cake, un houmous, des gougères, toutes ces mignardises apéritives peuvent certes être variées. Mais elles limitent tout de même drastiquement le champ des possibles ! Quelle tristesse de passer à côté de tous ces plats qui demandent du temps et de l’attention, aussi bien en cuisine qu’à table ! Le goût, c’est aussi prendre le temps d’apprécier, d’échanger, de partager !

Enfin, et surtout pour un caviste, quelle tristesse en terme d’accords ! Bien des vins, notamment les plus travaillés, ne révèlent tout leur potentiel qu’à table. Pas seulement parce que le vin nécessite un accord. Surtout parce que lorsqu’on prête attention à ce que l’on mange, on prête égale attention à ce que l’on boit ! J’ai toujours peine à vendre de très belles bouteilles qui seront bues en apéritif dînatoire, avec un accord pas forcément idéal, et dans un cadre où on ne prêterait pas grande attention au vin, à tel point qu’une jolie bouteille, bonne, mais bien plus simple (et moins onéreuse !) aurai tout autant fait plaisir !

Car ce changement de modèle est aussi celui d’un rapport au repas et à la nourriture : celle-ci devient secondaire, n’est plus l’objet des discussions, laisse la place à une autre convivialité. Peut-être les liens interpersonnels se renforcent-ils ainsi. La convivialité et l’échange sans prise de tête prennent toute leur place, dégagés qu’ils sont des codes rigides du repas bourgeois. Chaque évolution sociétale a ses logiques et ses avantages, heureusement ! Un apéro dînatoire, c’est participatif, c’est horizontal, c’est inclusif des différents régimes, c’est du temps dégagé pour faire autre chose que les tâches ménagères que sont la cuisine et dresser la table et qui restaient trop souvent l’apanage de quelques unes… En quelque sorte, c’est aussi une libération !

Mais quand on est attaché au produit, au repas, à la gastronomie, difficile de ne pas y voir malgré tout une certaine perte… 

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La lettre : appellations en crise ?

Le début de l’été a été l’occasion pour moi d’aller rendre visite à quelques vigneronnes et vignerons du Val de Loire avec lesquels nous travaillons. Prendre le pouls de la région, déguster les nouveaux millésimes, voir les terroirs et rencontrer quelques têtes avec lesquelles seuls des échanges commerciaux avaient été faits ! Pas vraiment de nouveautés dans l’escarcelle donc, mais plutôt des liens renforcés et quelques nouvelles du vignoble. Et, dans l’ensemble, celles-ci ne poussent pas à un optimisme béat…

J’ai ainsi été chez Thomas et Charlotte Carsin (Terre de l’Elu, Anjou), Pauline Mourrain et Laurent Troubat (l’Austral, Saumur Puy-Notre-Dame), Mélanie Cunin et Aymeric Hillaire (Mélaric, Saumur Puy-Notre-Dame), Coralie et Damien Delecheneau (La Grange Tiphaine, Montlouis-sur-Loire), Valentin et Henri Bruneau (Domaine des Frères, Chinon), Vincent Gaudry (Sancerre) et Guillaume Sorbe (Les Poëte, Reuilly et Quincy).

Tout d’abord, la situation climatique, avec le gel du mois de mars et la météo pour le moins pluvieuse depuis début mai qui encourage fortement le développement des maladies. La situation est là extrêmement disparate et si certains comme La Grange Tiphaine sont très touchés par le gel, d’autres comme le Domaine des Frères sont quasi épargnés. Tous les vignerons partagent en tout cas ce constat qu’il est de plus en plus difficile de prévoir la météo d’une année et que ce genre d’accidents climatiques est amené à se répéter. Dès lors, il va sans doute falloir songer sérieusement à modifier en profondeur certaines pratiques culturales : mode de taille, cépages utilisés, manière de travailler le sol, présence d’un rognage ou non, agroforesterie… La manière dont la région s’est développée depuis les années 1950 ne semble plus adaptée à nombre de vignerons qui veulent obtenir des vins d’une très haute qualité.

Dès lors, un problème majeur va se poser. Celui des appellations. De fait, le problème est déjà aujourd’hui extrêmement présent et constitue l’un des enjeux majeurs du monde viticole actuel. Petit rappel historique : les Appellations d’Origine Contrôlée (aujourd’hui devenues AOP sous l’harmonisation européenne) ont été créées en 1936 avec un double objectif : protéger le consommateur et garantir les “usages loyaux et constants”. Formidable succès. Superbe outil contre la fraude et, pendant longtemps, moyen solide de promouvoir les terroirs, sinon la qualité.

Pourtant, aujourd’hui, nombre de Domaines parmi les plus qualitatifs s’éloignent de ces AOP pour vendre leur production en IGP (appellation régionale moins restrictive) voire, le plus souvent, en simple Vin de France. Parmi les Domaines pré-cités, c’est le cas de Terre de l’Elu et des Poëte. Et aucun des deux ne souhaite faire demi-tour, à aucun prix, malgré leur fort attachement à la notion de terroir, d’origine du vin et de loyauté avec des usages ancestraux. Et cela est sans compter sur les vignerons comme Vincent Gaudry qui, chaque année, bataille pour faire reconnaître ses cuvées en appellation Sancerre, alors même qu’elle constituent l’un des sommets qualitatifs de l’appellation…

Peut être une image de plein air
Clos de l’Elu ou Terre de l’Elu ? La perte de l’appellation a forcé Charlotte et Thomas Carsin à changer le nom du Domaine, le mot “Clos” étant réservé aux vins en AOP…

En cause ? La buraucratisation et la marketisation (ouh, le vilain mot !) des appellations. Oui, les appellations sont devenues des marques. Au même titre qu’un Charles Volner, qu’un Tropicana ou qu’un Nutella, bien des appellations sont conçues par ceux qui les gèrent comme une marque devant garantir un goût constant, standardisé, lisible pour le consommateur qui doit pouvoir choisir sa bouteille dans le rayon en étant assuré de ce qu’il va retrouver dans le verre.

Quitte à laisser sur le bas-côté celles et ceux qui travaillent le terroir et ses mille nuances, qui font évoluer les pratiques, qui s’éloignent du sacro-saint goût variétal du cépage pour insuffler un peu d’âme dans leur vin. Bref, les vrais artisans que nous aimons et que nous référençons à la Cave !

Le problème est devenu si criant aujourd’hui que c’est partout en France que nombre de vignerons parmi les plus brillants de leur région ne demandent plus l’appellation : Richard Leroy, François Chidaine, Dominique Hauvette… Et l’on pourrait continuer ainsi longtemps ! Nos clients sont habitués : à la Cave c’est pas loin de 30% de nos références que nous avons ainsi en Vin de France… Chez un caviste où le conseil prime et où la confiance du client envers le producteur et le vendeur règnent, ce n’est pas vraiment un problème. Mais ailleurs ? Quid de la lisibilité ? Comment mettre en avant un terroir, une typicité ? Le vin français est déjà critiqué pour être difficile d’accès aux non-connaisseurs, la faute aux 350 appellations. Mais quand tout est mis dans le même panier, en simple Vin de France ?

Sans compter que, si perdre une appellation comme Reuilly dans le cas de Guillaume Sorbe n’est pas franchement pénalisant commercialement, lui qui vendait déjà des vins bien plus chers que les standards de l’appellation, il en va tout autrement pour les appellations plus prestigieuses comme Sancerre. Vincent Gaudry était pour le moins embêté lorsque je suis passé chez lui, suite à quelques mots qu’il avait eu avec les contrôleurs de l’appellation le matin même car il ne respecterait pas la manière de rogner imposée par l’administration… Perdre Sancerre, c’est perdre des marchés, notamment à l’export. Mais c’est surtout perdre ce qui a été légué par les anciens, la reconnaissance de la spécificité d’un terroir pour laquelle ils se sont battus. Et, pour un Vincent Gaudry pétri de tradition viticole et de savoir-faire issu de ses aïeux, la chose est terrible.

Alors que faire ? Se battre, quitte à aller au tribunal et à médiatiser la chose, à la manière d’un Alexandre Bain à Pouilly-Fumé il y a quelques années ? C’est à peine donner un coup de pied dans la fourmilière et cela demande beaucoup de temps, d’argent et d’énergie pour un résultat somme toute limité. Une cuvée de nouveau en appellation mais aucun changement sur le fond ? La belle affaire !

Créer de nouvelles appellations, plus petites et dynamiques à la manière de ce qui se fait au Puy-Notre-Dame sous le patronage du Domaine Mélaric, entre autres ? L’idée est séduisante : aujourd’hui, Saumur Puy-Notre-Dame, c’est une dizaine de vignerons, tous bourrés de talent et d’idées. Et c’est surtout l’une des très rares appellations de France où l’on peut acheter une bouteille à “l’aveugle” en étant à peu près assuré d’avoir un bon vin. Je n’en connais guère que deux autres dans ce cas : Patrimonio et Terrasses du Larzac. Sur 350 appellations, avouez que c’est peu ! Mais, aujourd’hui, qui connaît Puy-Notre-Dame ? Quelle force de frappe marketing a-t-elle ? Sans compter qu’aussi bonne y soit l’ambiance et aussi soudés y soient les vignerons, un porte-flambeau comme Fosse-Sèche passe en Vin de France… Et les absurdités comme les amendes pour ne pas avoir mis de petits panneaux indiquant que la parcelle est en appellation “Puy-Notre-Dame” ont cours… Réglementation, quand tu nous tiens !

Reste enfin une dernière solution, évoquée par certains. Créer des syndicats de défense des vignerons artisanaux afin de lutter contre la main-mise du grand négoce et des coopératives industrielles sur certaines appellations. Se grouper, se fédérer pour mieux réagir et se défendre. Et, peut-être, un jour, réussir à modifier le système de l’intérieur, qui sait ? Là encore, ce sont beaucoup d’efforts. Et surtout un travail d’union difficile, quand on sait le tempérament farouchement indépendant de bien des vigneronnes et vignerons talentueux…

Décidément, nous ne sommes pas sorti du sac d’épines que sont les appellations ! Et si le système semble aujourd’hui prêt à imploser du point de vue des amateurs pointus, il ne faut pas oublier les intérêts financiers, patrimoniaux, touristiques et marketing immense qui restent à l’oeuvre…

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Changer de Rôle

Lorsque Patrick, la semaine dernière, me fait lire son texte de sortie de scène, deux choses me touchent particulièrement : son goût pour la mise en scène et son attachement à la transmission. Étant moi-même comédien d’improvisation théâtrale – j’ai eu le plaisir d’avoir certaines et certains d’entre vous comme spectateurs au spectacle « ImproVIN’zons » sur le vin – il va de soit que la métaphore filée du réalisateur/metteur en scène m’a beaucoup parlé.

Le théâtre porte en lui des valeurs qui me semblent particulièrement importantes en ce jour où je me vois prendre la responsabilité de mettre en scène l’Acte II de la Cave de Bacchus.

L’Acte I a fait le plus difficile : poser les fondations, construire, esquisser les développements, et même bien plus que cela en fait ! L’Acte II, à côté, semble simple. Et, de fait, en partant sur des bases aussi solides, continuer l’histoire sera une partie de plaisir. Mais j’aime à penser qu’il reste des enjeux à développer, des histoires à raconter, de nouvelles saveurs à partager. Après tout, nous n’en sommes encore qu’au début de l’histoire !

Prendre en compte et proposer

Il existe une notion fondamentale en théâtre d’impro qui me semble pouvoir être appliquée à bien des champs de la vie : prendre en compte ce qui nous arrive et réagir en proposant une réponse. Ne pas faire comme si le monde autour de nous n’existait pas et que nous étions dans un microcosme auto-centré et indépendant. S’adapter, toujours, et aller au-delà : proposer, construire, innover.

C’est ce qu’a toujours fait Patrick, et ce jusqu’aux derniers jours de sa présence à la Cave ! Il n’y a pas une semaine, nous étions encore en train de discuter de futurs projets dans lesquels il se projetait volontiers alors même qu’il savait qu’il allait tirer très bientôt sa révérence !

Mise en place d’un salon de caviste réunissant producteurs et buveurs – créant quelques émules en France ! Création d’un site internet dès la fin des années 1990, alors que la technologie était encore balbutiante. Cours de dégustation originaux. Création de la Cavépargne. Adaptation à de nouvelles situations, la dernière étant le Covid auquel il a bien fallu répondre par de l’innovation… Patrick n’a jamais considéré avec fatalisme une situation. Au contraire, il a toujours vu ces moments comme une occasion de s’adapter, d’innover, de proposer quelque chose de nouveau.

Il va de soit que cette qualité doit être reprise. Les nouveaux enjeux sont nombreux, à commencer par l’importance grandissante que prend chaque jour l’interface numérique. Il va falloir à la Cave de Bacchus l’imagination, l’audace et la réactivité pour s’y adapter. Sans pour autant y perdre notre identité et que nous sommes un commerce de proximité résolument orienté vers le lien, le partage et l’humain.

Lâcher Prise

Ce n’est donc pas à une simple copie de l’Acte I auquel aspire ce nouveau moment de l’histoire de la Cave, mais bien à une continuité, avec ses nouveautés, ses originalités, ses tentatives que j’espère fructueuses !

Bien sûr, au menu, les grandes lignes seront suivies et respectées ! La gamme telle qu’elle est me plaît et me correspond, il n’y aura donc pas de bouleversement de ce côté là (j’entends d’ici nos fournisseurs pousser un « ouf » de soulagement !). Des nouveautés, bien sûr, mais comme il y en a toujours eu depuis 26 ans !

De même, le grand moment de l’année qu’est le salon est bien entendu maintenu ! C’est une grande fête, un moment de rencontre et de partage, où tout notre travail de caviste prend son sens. Je serais extrêmement attristé à l’idée d’abandonner cela ! Je peux donc d’ores et déjà vous dire rendez-vous les 6 et 7 novembre 2021 à la Ferme Quentel, si Covid le veut. Nous en profiterons pour marquer la transmission comme il se doit !

Mais les idées germent également et continuité ne veut pas dire immobilisme accroché au passé ! Lâchons prise en restant cohérents avec ce qui a été fait !

Tout n’est pas encore en place, mais il y aura dans la première partie de 2022 de gros travaux à la Cave afin de donner un coup de frais ! Renforcer la boutique comme lieu d’échange, de rencontre et de convivialité me tient particulièrement à cœur. Nous vous tiendrons au courant de l’avancée des choses.

Et il y a toutes ces idées, toutes ces animations, tous ces partenariats que la période guère propice à la bamboche ne favorisent pas franchement. Mais elles sont là, dans un coin, en train de mûrir tranquillement, afin de pouvoir être dégustées quand ce sera possible !

En tout cas, chaque changement, chaque nouveauté n’a qu’un seul but : renforcer le lien avec ceux qui sont au cœur de nos pensées quotidiennes en tant que cavistes. Les clients.

Bienveillance

Car le centre de notre métier de caviste est avant tout le contact avec vous, la clientèle. Le conseil, toujours, que ce soit pour une bouteille à 4€ ou un grand-cru bourguignon. Accorder à chacune et chacun le temps et l’écoute nécessaire, sans préjugé. En étant absolument bienveillant et mû seulement par la volonté d’accompagner et de faire plaisir. Ne pas imposer ses goûts.

Accueillir avec bienveillance chacune des personne qui entre dans la Cave, respecter ses goûts, son individualité, ses spécificités, son humeur de l’instant même !

Patrick a toujours insisté sur un point fondamental : il faut aimer ses clients. On ne fait pas le métier de caviste juste par passion du vin. Ni même par seule volonté de partager sa passion.

Il faut aimer chacune des personnes qui fait l’honneur de passer la porte de la boutique. Les discussions portent sur le vin, la gastronomie, mais peuvent également aller au-delà de ce petit lien. Après tout, le vin n’est-il pas partage ? La pluie et le beau temps, certes. Mais parfois au-delà, des liens se tissent et de belles rencontres se font, qui se poursuivent autour d’une bouteille.

Un vin est tellement meilleur partagé !

Écoute

Et si c’était là le cœur de la réussite ? L’écoute. L’écoute de ce qui a été fait auparavant, afin de respecter la trame narrative et ne pas bouleverser le cours de l’histoire. L’écoute des clients, au quotidien, afin de les conseiller au plus près de leurs attentes. L’écoute du vin, de la bière, des spiritueux, de l’épicerie, bref, de nos produits et de leurs producteurs afin de sélectionner avec précision et attention ce qui pourra bientôt vous régaler.

Cette écoute n’est pas qu’auditive, elle est éminemment pluri-sensorielle, devant parfois laisser de côté l’intellect. Car oui, choisir un vin, si cela est rationnel, doit correspondre à un besoin dans la gamme, à un goût précis, avoir un rapport qualité/prix satisfaisant, etc, etc, c’est avant tout une affaire de plaisir ! De celui qui se ressent si l’on sait écouter son corps, si l’on sait écouter le vin et ce qu’il a raconter, ses énergies, les émotions qu’il inspire, le lieu qu’il transpire, la météo qu’il illustre…

Je suis chaque jour surpris de m’être laissé aller dans cette voie. Je suis un cérébral pur. Quelqu’un qui intellectualise tout et n’importe quoi. Et pourtant, ma passion, mon quotidien, ce qui me porte, est profondément sensitif. Donc oui, écouter encore et toujours est peut-être la clef du succès !

Transmission

Nous y arrivons, enfin. Le moment fatidique, celui du passage de témoin, de la transmission. Tu as raison Patrick d’aimer ce mot de transmission. Car si aujourd’hui la transmission est matérielle, elle l’a été, l’est et sera bien plus que cela.

Dans une vie d’avant le vin, j’ai été professeur d’histoire-géographie. Par vocation, bien sûr. Par l’envie de transmettre, par le goût d’apprendre, par cette volonté que le passé ne reste pas lettre morte et continue de vivre, relu et réinterprété par le présent.

En devenant caviste, c’est cette notion de transmission qui est redevenue centrale. Car, au fond, qu’est ce qu’un Grand vin si ce n’est la transmission liquide et émotionnelle d’un terroir, de la météo d’un millésime et du savoir faire d’une vigneronne ou d’un vigneron ?

Et qu’est ce que le métier de caviste si ce n’est celui de passeur, d’intermédiaire entre le vigneron et le buveur ? A chaque bouteille choisie, à chaque bouteille conseillée, j’espère transmettre une manière de travailler, un lieu, une gueule, une émotion, un ressenti, bref, aller au-delà du simple vin-aliment.

Et de la transmission à l’apprentissage, il n’y a qu’un pas. À ce niveau, je ne peux que remercier Patrick qui m’a, justement, tant appris. Je suis arrivé à la Cave de Bacchus, de retour sur mes terres finistériennes, il y a bientôt cinq ans. Tout jeune caviste auréolé d’une année de formation, jeune chien fou (j’espère n’avoir pas trop perdu cet aspect !) un peu idéaliste, parfois naïf, souvent maladroit.

Si aujourd’hui la transmission de la Cave de Bacchus se fait aussi sereinement, c’est aussi parce qu’en moi, dans ma manière de travailler, d’envisager le métier de caviste, il a de moi, bien sûr. Mais il y a aussi beaucoup de Patrick ! Merci mille fois à lui !

La Cave de Bacchus, Acte II, ça commence aujourd’hui, avec beaucoup d’avant. Avec de nouvelles idées aussi. Et surtout, avec une nouvelle tête ! Car il est d’usage qu’au début de l’Acte II de nouveaux protagonistes viennent mettre leur grain de sel à l’histoire. Le nouveau protagoniste, c’est ici Arnaud qui rejoint la Cave aujourd’hui. Tout droit venu de sa Touraine natale, il en connaît un rayon niveau vin, et pas que ceux de Loire, soyez rassurés ! Il saura, j’en suis sûr, participer à écrire la suite de l’histoire avec nous !

Au plaisir de vous retrouver très vite en boutique, sur le salon les 6 et 7 novembre ou ailleurs, un verre à la main j’espère !

Simon

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Réussir sa sortie

Quand j’ai pris la décision de transmettre La Cave de Bacchus et de liquider mes droits à la retraite en ce mois d’avril 2021 ( je viens d’avoir 63 ans pour lever toute interrogation sur mon âge) je me suis refait le film de ces 26 années de parcours professionnel. Et c’est vraiment ce sentiment d’avoir été à la fois réalisateur et acteur d’un long métrage qui m’habite aujourd’hui.
Aussi, me faut-il à la fois trouver une fin au scénario et une belle sortie d’acteur. Peut-être le plus difficile à réussir ? En tout cas le plus délicat à mettre en forme !

1/ Le metteur en scène et la fin du film : j’aime bien le mot «transmettre » car la notion de possession n’est pour moi qu’illusoire si elle ne se matérialise que par un chèque et un acte de propriété. Donc le film ne se clôturera pas par le mot « FIN » mais plutôt « FIN DE L’ACTE 1 ». A cette seule différence que dans le vrai cinéma généralement on ne change pas, d’un acte à l’autre, de metteur en scène.

Le film va donc connaître un nouveau metteur en scène qui n’est autre que mon premier assistant actuel, j’ai nommé Simon Boutet. Ainsi mon désir profond de passer le relais en transmettant bien plus qu’un simple bien matériel se réalise. Simon, pendant près de cinq ans, m’a prouvé par ses capacités, son écoute, son engagement, sa compréhension et son adhésion à la mise en scène du film, que je pouvais lui donner les clés pour en réaliser l’acte 2.
Certes, il apportera sa patte et changera peut-être certains décors, fera appel à de nouveaux acteurs, inventera de nouveaux personnages, de nouvelles intrigues. Mais je sais qu’il le fera dans la continuité et dans l’esprit du film proposé durant l’acte 1.

La solution est donc trouvée et actée. Le film continue telle une série. Longue vie à « La Cave de Bacchus », un long métrage dont le premier acte se termine le 31 mars à 18h après 25 ans et 6 mois sur vos écrans. Ne ratez pas le début de l’acte 2 qui débute le 1er avril pour une durée indéterminée que je souhaite la plus longue possible au nouveau réalisateur Simon Boutet.

2/ L’acteur et sa sortie : je n’aime pas le mot « retraite » car c’est un mot qui dans notre inconscient rime souvent avec « défaite ». Ne dit-on pas d’un chef des armées quand il perd une bataille qu’il « bat en retraite » ? Donc, même si dans la « vraie vie » le citoyen, que je suis, fait valoir ses droits à cette mal nommée « retraite », l’acteur lui, dans la tradition « mourra sur scène ». Car je quitte un rôle tenu pendant près de 26 ans pour jouer dans un autre film, celui du reste de ma vie.

Certes, ce rôle dans « La Cave de Bacchus », j’ai adoré le jouer, transmettre (décidément je l’aime bien ce mot !) mon savoir, mon vécu, mes émotions à ce public que j’ai profondément aimé. Je suis passé par toutes les émotions et mon public aussi.

Car être acteur dans le film « La Cave de Bacchus » ce n’est pas banal. Ici le texte n’est pas écrit et récité immuablement chaque jour. Ici c’est le bonheur pour l’acteur. Il improvise dès que le rideau se lève, il joue une nouvelle scène sans connaître à l’avance le déroulement de la journée. Le téléphone peut sonner à tout moment, un vigneron peut entrer en scène avec ses bouteilles sous le bras pour une dégustation impromptue, un livreur peut débouler avec sa palette sur le trottoir, tout peut arriver et c’est génial car aucune journée ne ressemble à une autre.

Et puis il y a le public ! A la grande différence d’un film projeté sur écran , ici le public participe au film, il s’invite sur l’écran noir et il joue son rôle. Un film interactif en quelque sorte. Et quoi de plus réjouissant pour le public que d’être cité au générique ?
Et si aujourd’hui le film est un succès qui ne se dément pas c’est grâce à ce public qui a été au fil du temps de plus en plus nombreux à venir jouer avec nous, à nous donner la réplique, à nous apporter sourires, joies et quelquefois peines.
Cher public, je vous regrette déjà car vous m’avez porté, vous m’avez élevé humainement en me permettant de concrétiser un rêve un peu fou. Derrière l’acteur essaye de se cacher un être humain qui vibre à vos émotions. Merci de m’avoir fait confiance…

Mais comment jouer et réussir une scène sans décor et accessoires ?
Le décor du film sera planté dans un premier temps au 5 rue Boussingault de 1995 à 2009 puis au 10 rue Alain Fournier de 2009 à aujourd’hui. Les accessoires sous forme de bouteilles ont été fournis par nombre de vignerons(nes) qui pour certains(nes) sont là depuis le début du film. Et eux aussi participent au film, en permettant à celui-ci d’exister mais également en «guest-stars » faisant des apparitions remarquées lors des Salons de Bacchus.
Les vignerons(nes) sont donc essentiels à la réussite du film. Ce fut un honneur et j’ai pris un immense plaisir à raconter leurs bouteilles, histoires, régions, terroirs, visions… bref leur univers. J’ai pu mesurer qu’avec eux le champ des possibles était infini et que le film « La Cave de Bacchus » était riche de leurs différences. Sans eux rien n’aurait pu être possible et je me suis régalé à retrouver dans l’œil du public l’émotion procurée par la goutte de vin enfantée par le(a) vigneron(ne).

Alors maintenant comment l’acteur peut-il réussir sa sortie ?
Pas facile en période de crise sanitaire d’organiser quelques réjouissances que ce soit. D’autre part je suis dans la vie quelqu’un de discret et j’aime la simplicité et les choses vraies. Donc les honneurs, très peu pour moi… La sortie ne sera pas, de fait et de circonstances, grandiloquente et fastueuse. Désolé…
Par contre il est important de choisir une date symbolique pour quitter un rôle et pour en endosser un autre. Je quitterai donc mon rôle le 31 mars et enfilerai un nouveau costume le 1er avril.
Ah !! le 1er avril, date géniale pour semer le trouble.
L’acteur ne continue-t-il pas à jouer son rôle ?
Ne serait-ce pas un faux départ déguisé en gros poisson tel l’acteur mettant en scène son clap de fin pour mieux renaître de ses cendres quelque temps plus tard ?
Et si tout ceci n’était qu’une vaste blague ?
Voilà j’ai trouvé ma sortie ! 1er avril : Poisson ou pas poisson ?
Réponse : le 1er avril avec la découverte du casting de l’acte 2 du film « La Cave de Bacchus ».

Un dernier mot : ce rôle de metteur en scène et d’acteur dans ce film « La Cave de Bacchus » n’est nullement un rôle de composition. J’y ai joué le plus sincèrement du monde mon propre rôle, celui que je suis au quotidien. Les émotions n’étaient ni feintes ni jouées. J’espère vous avoir touchés car pour moi « l’humain » est, avec ses faiblesses, ses forces, ses qualités, ses défauts , essentiel à mes yeux.

Je finirai par cette belle citation de l’un de mes auteurs préférés (que je vais désormais avoir le loisir de relire ) :
 “Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le bonheur de tous les hommes, c’est celui de chacun.”  Boris Vian
3/ Générique du film :
Remerciements :
A mes associés
Nadine, mon épouse adorée qui m’a soutenu et épaulé et sans qui ce film n’aurait pu exister.
Bruno, mon frangin qui a toujours été là quand il le fallait avec Nicole et sa petite famille.

 A mes enfants
Magali, Herveline, David qui ont accepté sans en avoir vraiment le choix la folie de leur papa. Mille excuses, je vous aime.
A l’équipe du Salon de Bacchus
 Ce fut un plaisir de vous avoir à mes côtés. Vous avez été géniaux. Cette aventure dans l’aventure a été, vous le savez, combien importante pour la réussite du film et j’ai adoré travailler et vivre ces moments avec vous. Plein de bons souvenirs, des galères aussi et au final toujours de la bonne humeur, des rires, de la joie…

Aux amis, aux partenaires, à tous ceux qui de près ou de loin ont participé à l’aventure de ce film …
 Je ne vais pas tous vous citer car j’ai trop peur d’en oublier mais ce fut un bonheur tout simplement de vous rencontrer, de partager, de collaborer, d’échanger, de travailler. Merci d’avoir contribué à la réussite de ce premier acte en espérant que vous aurez autant de plaisir à poursuivre l’aventure dans le second.

Aux vignerons (nes) et aux agents qui les ont représentés
J’ai apprécié nos rencontres, nos dégustations, nos conversations. J’en garde des souvenirs vivaces avec parfois des moments magiques qui resteront à jamais en moi. J’ai tissé des liens plus profonds avec certains mais j’aurais aimé tous vous découvrir encore davantage. Derrière chaque vigneron(ne) il y a une histoire, un chemin de vie, un être humain qui travaille la terre et fait de ses fruits le vin que l’on partage. J’aurais l’occasion certainement dans mon nouveau film de poursuivre et d’approfondir nos échanges qui ne seront plus professionnels mais n’en seront pas moins amicaux. Continuez à nous régaler et à ponctuer notre vie, nos repas de moments d’exception, d’amour et de bonheur.

Aux clients
 Tout simplement MERCI !!!

A mes anciens assistants
Vous avez été à mes côtés de quelques mois à quelques années et vous avez participé à la réussite de ce long métrage. Merci, par ordre d’apparition à l’écran, à Herveline, Laurie, Laurent et Gwendolyn. Je ne cite là que ceux qui ont été salariés à la vente à la Cave. Merci également à ceux qui ont pu faire vacations, petits contrats sur le Salon, sur le Marché de Noël etc..

A Simon
 Comme dans le milieu du spectacle il est hors de question de souhaiter bonne chance par superstition, je te le dis par le célèbre mot de Cambronne :
 MERDE !!!
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Couvre-feu : le ressac

Nouveau couvre-feu à Brest et donc nouveaux horaires à la Cave à partir du samedi 20 mars 2021.

Nous reprenons nos horaires quasi normaux (avec juste 1/2h amputée le soir). Notez bien le retour de la fermeture entre 12h30 et 14h.

  • Lundi : 15h-19h
  • Du mardi au samedi : 10h-12h30 et 14h-19h
  • Cave fermée les dimanches et jours fériés.

A très vite et merci à vous d’avoir joué le jeu des 18h jusqu’à aujourd’hui. Ce fut parfois des fin de journées sportives, mais nous avons pu satisfaire tout le monde !

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Couvrez ce feu que je ne saurais voir !

L’annonce est tombée hier : couvre-feu à 18h. Et même en notre qualité de commerce brestois hautement essentiel, nous devons nous y plier et baisser le rideau à cette heure fatidique !

Nous avons fait le calcul : en 2020, c’est 25% de notre chiffre d’affaire que nous avons fait entre 18h et 19h30. Quoi de plus logique étant donné la nature même de notre métier : on vient acheter la bonne bouteille pour accompagner le repas du soir ! Mais halte à l’apéro, sus à la convivialité, comme le dit l’adage maintenant consacré “la bamboche, c’est terminé” !

Donc acte. Nous continuons de faire le maximum pour vous accueillir avec les plus grandes précautions sanitaires, comme depuis le début de cette crise que nous abordons avec le plus grand sérieux. Masque obligatoire, gel hydroalcoolique disponible à l’entrée, nombre de clients limité à 12 simultanément (n’ayez crainte, même aux plus fortes heures de Noël, cette limite n’a guère été atteinte que deux fois, et pas longtemps !).

Nous nous adaptons toutefois : dès le samedi 16 janvier, ouverture en continu sans interruption entre 12h30 et 14h. Les travailleuses et travailleurs assoiffés pourront ainsi venir chercher leur bouteille sur leur temps de repos du midi, faute de pouvoir passer après leur dur labeur !
Retrouvez ci-dessous nos horaires aménagés pour la période.

En attendant des jours meilleurs, nous continuons la vente sur notre site internet avec retrait drive en Cave ou livraison à domicile sur toutes les communes de Brest Métropole à partir de 80€ d’achat.
Ne nous laissons pas abattre, buvons et mangeons bon !

Au plaisir de vous retrouver bien vite !
Patrick et Simon, vos cavistes
Horaires de la Cave:
Lundi : 15h-18h
Du mardi au samedi : 10h-18h en continu
Fermée le dimanche et les jours fériés